• Il fait un temps à passer du bon temps [privé]


    Dimanche 14 Avril 2019 à 14:01
    Lilicha

    Lola :

    Planeceres, le meilleur endroit du monde. Il fait bon vivre, le temps est clément, même quand il pleut, c’est agréable, c’est chez Lola, c’est chez ses parents, c’est chez Alphonse, c’est le miel, les tartes aux fruits, les bons livres dévorés entre les épis de blé, c’est pour oublier. La luciole est retournée au berceau de son enfance, pour se souvenir de quand elle était heureuse tous les jours. Elle n’arrive pas à oublier. Vous savez de quoi il s’agit, de qui – elle n’a pas prononcé son nom en trois mois. Elle ne l’a écrit que deux fois. Personne ne sait. Et c’est très bien comme ça. Parfois elle regarde Alphonse, elle se dit « pourquoi pas », mais ça ne dure qu’une seconde, après, elle se sent coupable, comme si elle avait une dette d’amour envers un magicien, comme s’il l’attendait quelque part, comme si personne ne lui serait jamais comparable.

    Planeceres le printemps, c’est le meilleur endroit du monde. Il fait beau, Lola prend des couleurs, Lola oublie, elle sourit pour de vrai maintenant, elle sort souvent, elle fait le tour des fripes, achète des jolies robes fleuries et des belles pinces dorées, se met à l’ombre des arbres et lit, ou écrit. Aujourd’hui elle rejoint son chêne préféré à onze heure, carnet et crayon à la main, c’est son tendre train-train, qu’un couvre-chef vient dérailler. Qu’est-ce que… A qui est-ce ? La luciole se fige. Personne ne porte de haut-de-forme à Planeceres. Lola lève le nez au feuillage, inspecte les alentours, un peu trop fébrile, un peu trop enthousiaste. C’est idiot, puisqu’elle l’a oublié. Elle regarde le chapeau de feutre noir. Êtes-vous là-dedans… Oz ? Êtes-vous à mille lieux d’ici ? Êtes-vous en train d’arnaquer mes voisins, mes parents, dans mon village ? Est-ce seulement votre chapeau ? Ça pourrait être le chapeau de n’importe qui.

    - Bonjour. Vous devriez sortir, il fait beau dehors.

    Dimanche 14 Avril 2019 à 14:20
    yumyumi

    Oz :

    Il fait froid. Sombre. Noir. Tout noir.

    Oz ne sait même plus depuis combien de temps il est ici - là, dans ce trou noir infini, cette abysse qui s'étend dans l'éternité. Peut-être que ça fait plusieurs heures. Plusieurs jours. Plusieurs mois. Trois mois.

    Trois mois. Ça fait trois mois qu'il ne l'a pas revu, Lola. Lola. Qu'est-ce qu'elle peut bien faire, en ce moment ? Peut-être qu'elle sourit. Peut-être qu'elle est heureuse. Peut-être qu'elle pleure, aussi. Oz espère qu'elle ne pleure pas - surtout pas à cause de lui, oh, ça non, ce serait encore pire.

    Dans son chapeau, Oz entend tout. Le bruit des feuilles quand il y a du vent. Le bruit des gouttes de pluies, du tonnerre quand l'orage gronde. Le bruit des gens qui parlent, des enfants qui jouent, et il entend sa voix à elle.

    Il devrait sortir. Il fait beau dehors. Elle a sûrement raison, il fait beau, à Planeceres, mais Oz n'est pas d'humeur à profiter du bon temps. Dans son trou, Oz enfonce sa tête un peu plus dans ses bras, peut-être qu'il fait beau dans sa tête aussi.

    Dimanche 14 Avril 2019 à 14:46
    Lilicha

    Lola :

    Lola ne s’attend pas à ce qu’il sorte, ni à ce qu’il réponde… D'accord, peut-être juste un peu, et c’est déjà trop : parler à un chapeau aussi, faut le faire ! C’est bien parce qu’elle est seule, et parce que c’est peut-être lui. Mais non – il y a… Une chance sur beaucoup trop d’autres pour que ce soit lui, dans ce chapeau. Et elle ne pourra rien prouver parce que monsieur est entêté, il ne sortira pas parce qu’elle le lui suggère. Et le soleil, c’est un argument en carton, sans doute qu’il n’aime même pas ça, son teint diaphane est assez évocateur du temps qu’il doit passer dehors.

    - Dites, si quelqu’un passe et me surprend en train de parler à un chapeau, vous pourriez sortir ? J’ai peur de ne pas trop savoir comment justifier ça.

    J’ai peur de ne pas trop savoir quoi ressentir. De la rancune, de la tristesse, de la colère – ou de la joie d’effleurer l’espoir de le voir, encore. Et si ça doit arriver, il faudra que ça se passe bien. Ou ça ne se passera pas. Elle a dépensé trop d’efforts et de temps à reconstruire son bonheur toute seule.

    - Bon, moi, je vais écrire. J’aimerais bien vous lire deux-trois trucs que j’ai écrit, et quand vous vous lasserez de votre chapeau... Peut-être pourriez-vous venir, me donner votre avis ?

    Mardi 21 Mai 2019 à 20:10
    yumyumi

    Oz :

    Oz se surprend lui même à réfléchir à sa décision.

    Un temps passe alors qu'il est plongé dans sa réflexion. Sortir. Sortir, ce serait se découvrir. Mettre un pas dehors, au découvert du danger. Hors de sa zone de confort. Vulnérable ; il serait vulnérable, aux yeux de tous et de Lola. Pourquoi est-ce qu'elle veut qu'il sort ? Est-ce qu'il ne lui en a pas fait assez ? Non, c'est idiot, il devrait rester ici, là où il ne peut faire du mal à personne - à personne à part lui-même.

    De toute manière, il n'a pas besoin de sortir pour qu'elle puisse apprécier sa compagnie - si sa compagnie elle peut encore apprécier. Est-ce que c'est égoïste de sa part ? Une petite voix dans la tête d'Oz lui dit que oui, mais peut-être qu'Oz a envie d'être égoïste.

    Si il reste dans son chapeau, restera-t-elle ici ? Peut-être qu'elle va déguerpir aussi vite qu'elle est arrivée, en un battement d'ailes. Peut-être qu'elle ne lira même pas ses écrits et qu'elle se lassera de son tâtonnement. Peut-être qu'elle explosera en sanglot, peut-être qu'elle l'insultera de tous les noms, peut-être qu'elle s'en ira, se faire cueillir par un autre pendant qu'Oz continue de flâner au fond de son chapeau.

    Finalement, il se dit que c'est idiot. Il se décide. Je sors.

    Les premières minutes dehors, Oz les passent à s'acclimater à Planeceres. Il frissonne légèrement sous le fin tissu de sa chemise. Les rayons du soleils l'aveuglent  - ou peut-être que c'est Lola qui rayonne - ou peut-être que c'est juste le soleil, et que ses yeux ne sont plus habitués à la lumière. Oz préfère penser que c'est Lola - alors il les plisse, le temps de...s'habituer.

    Il prend le temps de respirer. D'abord, il inspire l'air de Planeceres. Et puis il tend l'oreille, il écoute. Le vent souffle, mais pas trop, l'eau ruisselle, mais pas à flot, les oiseaux chantent, mais c'en est une douce mélodie qui en sort. Le soleil brille. Tout va bien. Tout a l'air d'aller bien. Il fait un temps à passer du bon temps, comme elle dit.

    Finalement, Oz ouvre les yeux. Il avise la luciole un instant, et laisse un maigre sourire prendre place sur ses lèvres. Je sors.

    Jeudi 30 Mai 2019 à 01:02
    Lilicha

    Lola :

    Deux temps, pas de mouvement – Lola ne l’espère plus, son magicien, parce que maintenant elle a les pieds sur terre et la tête sur les épaules (que tu crois !). Alors ses yeux se meuvent dans l’horizon, le feuillage des arbres qui ondoie, et ses doigts tournent les pages ocre de son carnet relié. Quelque chose à lire, quelque chose à lui dire, qui n’en dise pas trop, parce qu’elle s’est faite violence, et que pour s’exprimer auprès des gens qu’on aime sans savoir de quoi il retourne dans leurs cœurs ; le mot d’ordre est « prudence ».

    - Voyons voir…

    Sa main se crispe sur le papier, parce que – trois temps, un mouvement, Oz se matérialise sous son nez. Et il ne dit rien, d’abord, il s’accoutume à son nouvel environnement. La luciole le regarde, retenue est son credo, mais elle est à la lisière de lui sauter au cou, comme s’il n’y avait jamais eu dispute, comme s’il n’y avait jamais eu autre chose que ça de toute façon. Et les minutes passent. Et il ne dit toujours rien. Et il lui sourit, un tout petit peu. La graine d’étoile toussote, le visage placide, impassible (que tu crois !!), les doigts brûlant courant sur les pages cornées, les yeux oscillant entre ceux d’Oz et son texte.

    - Le ventre pétri des tumultes de la joie quand je vous vois,

    L’ébauche d’un sourire au coin des lèvres,

    De quoi me rendre mièvre –

    Étourdie par la vigueur de mon affection

    Comme sorbet au soleil, je fonds.

    Les joues piquées de rose, la luciole, mutine, sourit enfin en retour, et referme son carnet aussi sec.

    - Ce n’est pas vrai, ce n’est pas sur vous que j’ai écrit ceci, il ne manquerait plus que ça !

    Jeudi 30 Mai 2019 à 02:05
    yumyumi

    Oz :

    Deux temps, trois temps. Oz délibère, commence à hésiter un peu ; peut-être qu'il n'aurait pas dû sortir. Peut-être que Lola le déteste vraiment, peut-être qu'elle va lui jeter son carnet à la tête et s'enfuir en l'insultant de tous les noms, peut-être qu'elle...

    Elle se met à...parler. Non, pas parler, c'est plus mélodique que ça. Presque chantant, Oz se dit. Il se met à contempler la luciole, pendant qu'elle lui livre ses belles paroles. C'est beau, il se dit, et presque intriguant. La première chose qu'elle lui raconte, après trois mois de silence radio - c'est un poème. De beaux mots qui riment, de beaux mots qui ne riment pas avec tristesse, chagrin ou même colère. Ça lui remonte un peu le moral, de savoir qu'elle ne lui en tient pas compte - ou peut-être qu'elle cache bien son jeu, Lola.

    L'affirmation ne le touche même pas tant que ça. Oz souffle un semblant de rire, baladant son regard sur le feuillage alentour, l'ombre d'un sourire aux lèvres.

    - Il ne manquerait plus que ça.

    Un autre temps passe, Oz se décide à recentrer son regard sur la luciole, et il opine envers elle. Presque hésitant, il reprend, tout en se triturant les doigts derrière son dos.

    - Comment...comment allez-vous ?

    La moindre des choses, quand on passe toute une éternité à se demander comment une personne va, c'est de lui demander, après tout.

    Jeudi 30 Mai 2019 à 03:52
    Lilicha

    Lola :

    Il ne manquerait plus qu’elle en ai écrit une bonne dizaine à son sujet, comme si c’était sa muse au masculin, comme si elle n’avait que lui en tête, comme une chanson qu'on aime  follement jusqu'à l'agacement de l'avoir écoutée mille fois, sauf qu'elle ne quitte plus notre esprit. Elle ne peut pas s’empêcher de le dévisager, un peu comme lorsqu'ils se sont rencontrés, quand elle se disait « il a un truc » - il a pleins de trucs, il est truqué et truffé de charme, et ça, elle avait tâché de l’oublier. Bah boum, ça lui explose à la figure, boum boum, son cœur est de nouveau bien bavard. Prudence ! La luciole reprend une contenance, ses yeux gourmands cessent de papillonner sur le magicien et se posent sur un pissenlit.

    Comment va-t-elle – d’habitude on ne s’intéresse pas à la réponse, alors elle répond qu’elle va bien. Le fait est que,

    - Je pense que je vais mieux qu’il y a trois mois. Et encore mieux qu’il y a cinq minutes. (elle redresse la tête vers lui, feignant la nonchalance, toujours, jamais assez longtemps, parce qu’elle n’a pas d’endurance en la manœuvre de « faire semblant ») Merci de demander. Et vous ? Comment allez-vous, sincèrement ?

    Elle a des poèmes pour le consoler s’il va mal, une épaule où nicher sa tête pour pleurer, un corps tout feu tout flamme à étreindre, des sourires à donner, des anecdotes à raconter, un amour indéfectible pour le soigner, elle espère. Elle a tout ça et plus encore, un « je vais mal » n’est pas une fatalité, et s’il va mal, pourvu qu’il le lui dise.

    Jeudi 30 Mai 2019 à 14:45
    yumyumi

    Oz :

    Ses paroles remplissent le cœur d'Oz de liesse - et même au delà de la flatterie qu'elle lui fait, Oz est content de savoir qu'elle va... bien. Mieux qu'il y a trois mois, et encore mieux qu'il y a cinq minutes. Content de savoir que son arrivée ne la chamboule pas plus que ça - ou peut-être, pas aussi négativement qu'il l'aurait pensé. Il ne peut pas retenir l'affranchissement de son sourire. Et puis...elle lui demande comment il va.

    Oz se tend malgré lui. Sincèrement. C'est ce qu'elle ne lui a pas dit il y a de cela trois mois, et voici où ça les a mené. Sûrement, Lola est prévoyante, elle sait qu'Oz ne pourra pas lui mentir une deuxième fois, ou peut-être qu'elle espère ainsi. 

    Oz ne mentira pas une deuxième fois. Ça leur a déjà beaucoup coûté. Sincèrement. Si Oz doit être sincère, alors il le sera, mais doucement.

    - Mieux maintenant, pour sûr. 

    Son regard se balade distraitement sur cet arbre, là, son feuillage, son tronc, ses racines, puis sur le sol, et enfin, s'arrête sur ses chaussures poussiéreuses. Le magicien - qui n'a rien de plus d'un magicien que son chapeau, en ce moment - inspire, cherche ses mots, ne trouve pas les bons, et finit par regarder Lola.

    - Vous...vous m'avez manqué, Lola. Beaucoup.

    Sa nervosité prend le contrôle - Oz sort une main de sa cachette pour jouer avec les boutons de sa chemise. Les mots prennent du temps à trouver le bon chemin. Il espère que Lola les aura, elle.

    Vendredi 31 Mai 2019 à 21:43
    Lilicha

    Lola :

    Il dit qu’il va mieux, les yeux qui se baladent. S’il ment ils iront (encore) en enfer. Lola décide de le croire, acquiesce doucement, apaisée. Puis il lui dit qu’elle lui a manqué, yeux dans les yeux. Elle le croit parce qu’il n’était pas obligé de lui dire, qu’il ne lui dit pas souvent des choses comme celles-ci, et qu’il l’a pourtant fait. Même si c’est pas chose aisée, même s’il s’en triture sa chemise. Elle ne l’a pas demandé mais elle avait besoin de l’entendre.

    - Merci de me l’avoir dit.

    Le bourgeon de sourire sur ses lèvres éclot jusqu’à ses oreilles. Elle se rapproche un peu et chuchote,

    - Moi je n’osais pas, j’avais peur d’être la seule.

    Avant elle lui aurait dit, d’ailleurs elle lui a déjà dit. Il y a trois mois elle aurait pris sa main avec tout le naturel du monde, maintenant c’est compliqué. Et puis il n’a plus de gants. Il a des dessins à la place. Des trucs gravés qu’elle zieute furtivement à travers sa frange de cils, parce qu’il ne faudrait pas faire quelque chose de mal ou de déplacé, pas si tôt. Lola a peur d’être devenue peureuse. J’ai pas peur de vous, Oz, j’ai pas peur de vous aimer, j’ai peur que vous repartiez.

    - Vous me manquez encore. (elle souffle sur son pissenlit) Je sais que vous venez de sortir de votre chapeau alors, il faut laisser les choses venir. Mais notre promiscuité m’a manquée et elle me manque encore.

    Vendredi 31 Mai 2019 à 22:02
    yumyumi

    Oz :

    Le sourire d'Oz s'élargit un peu plus - d'habitude, c'est elle qui dit tout et lui qui n'ose pas. Ça l'amuse quelque peu, mais ça l'attriste aussi. Lola se renferme. Elle n'ose plus sortir de sa coquille, lui dire qu'il lui a manqué, mais peut-être que c'est pour le mieux.

    Elle a raison. Il vient de sortir de sa coquille lui aussi. Oz ne sait pas si il est prêt pour redevenir comme avant. Comme avant. Quand elle lui coulait des beaux mots comme une chute d'eau, quand elle lui prenait les mains sans lui demander, non pas parce qu'elle se fichait de son avis, mais parce qu'Oz était ouvert et pas vulnérable. Parce qu'il avait son costume et ses gants, parce qu'il était protégé, par tous ces artifices et ces froufrous. Maintenant, ce n'est qu'un homme déchu dans sa chemise.

    Elle avance un peu - mais la distance trône. À lui aussi, leur promiscuité lui manque...Mais il n'est pas prêt. Le presque-magicien ravale sa salive, range ses mains à ses côtés, mais continue de regarder Lola. Avec toute la douceur qu'il peut rassembler, il dit,

    - Et bien...N'ayez pas peur. Je suis là.




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